Après sept mois de palabres, les assises nationales du conseil consultatif pour les réformes politiques (CCRP) se sont achevées le 9 décembre 2011 à Ouagadougou sans que le point qui a mobilisé toutes les attentions, la révision de l’article 37, soit résolu. Les positions restent divergentes. Conclusion : il faudra trouver d’autres mécanismes pour régler certaines questions comme celle de l’article 37 qui dans sa formulation actuelle stipule que le mandat présidentiel est limité à deux. Chose que la majorité gouvernementale voudrait changer pour une illimitation. Au lendemain de cette longue et tumultueuse messe, nombreux sont les burkinabè qui se demandent à quoi tout cela a servi.
Il est vrai qu’une communauté humaine est un corps vivant qui évolue et qui s’adapte à son environnement, pour sa survie et le mieux-être de ses membres. Dans cette optique, avoir des assises nationales pour réfléchir et proposer des voies et moyens sur le devenir du Burkina Faso est une initiative à encourager dans la mesure où cela peut contribuer à renforcer la démocratie participative et le dialogue social. Pratiquant un journalisme décentreur, nous ne pouvons qu’encourager toute initiative qui conduit pacifiquement le peuple burkinabè à se regarder dans le miroir, à prendre conscience de ses divergences et oppositions, à laisser celles-ci s’exprimer dans la tolérance et l’acceptation de l’autre, dans le secret espoir qu’une telle approche peut changer positivement la société.
Seulement dans le cas du CCRP proposé par le Président Blaise Compaoré, l’on peut se demander quel était le but final recherché et à quoi il a servi. Au delà des points engrangés, le contexte dans lequel le CCRP a été proposé mettait le camp présidentiel en mauvaise posture par rapport à l’opinion publique dans la mesure où depuis des années, le Burkina Faso vivait une crise à plusieurs facettes : identitaire, politique et sociale. La corruption, l’injustice, le manque de politique éducationnelle étaient décriés à longueur de journée dans la presse par la société civile et les intellectuels. Mais il a fallu que les militaires fassent crépiter leurs armes pour que le président appelle à « un sursaut de la part des forces politiques et sociales (…) afin que le respect de la République et du patrimoine commun soit davantage enraciné. »
Dans un pays où le manque d’éthique en politique et en gestion de la chose publique était devenu une norme, cette proposition présidentielle, pourtant salutaire, a semblé pour de nombreux concitoyens comme une astuce du Président Compaoré pour reprendre la main au moment où la situation semblait lui échapper.
Ensuite la question de l’article 37 est venue polluer les débats. La question que nous nous posons est : pourquoi remettre cette question sur la table ? S’il y a une chose que l’affaire Norbert Zongo a su si bien faire, c’est d’avoir mis à nu la société burkinabè dans sa dérive autoritaire et son manque d’éthique politique. Cet assassinat a bouleversé les catégories habituelles des burkinabè et les a jetés dans le trouble. Mais si ce meurtre a défait notre société, il nous a offert également une opportunité de reconstruire un Burkina Faso où la notion de « Burkinabè » (Homme Intègre) prendrait toute son essence. Pour cela, les conclusions et les recommandations du Collège des sages ont fait unanimité dans la classe politique. C’est dans cette dynamique de cohésion sociale que la question de l’alternance politique a été acceptée par toute la société burkinabé comme gage de bonne gouvernance et de paix sociale.
Au moment où notre système éducatif en crise favorise l’ignorance et menace l’expertise nationale à long terme ; que le système sanitaire continue de faire de certains centres hospitaliers des mouroirs ; que l’agriculture reste précaire reléguant l’autosuffisance alimentaire aux calendes grecques ; que notre économie reste à la traine alors que nous pouvons devenir un pays émergent, le projet de société phare de nos hommes politiques au pouvoir semble être de créer une présidence à vie. À la lecture des conclusions du CCRP, le message des Burkinabè semble clair : ils ne sont pas prêts à briser le consensus national issu de l’affaire Norbert Zongo en matière de gouvernance politique.
Loin de nous tout procès d’intention qui voudrait que la révision de l’article 37 soit commanditée par le Président Blaise Compaoré pour se maintenir au pouvoir. Mais force est de constater que ce débat est inopportun et inutile à deux niveaux. Non seulement il remet en cause le consensus national issu des travaux du Collège des sages dont les recommandations ne sont pas encore pleinement appliquées mais en plus, les raisons qui ont conduit à la création de ce Collège restent actuelles. Il devient donc risqué de briser ce consensus. Le pouvoir donnerait l’impression qu’il a roulé les Burkinabè dans la farine, et Blaise Compaoré risque de perdre la crédibilité qui lui reste encore. Au lieu de cela, gageons que l’histoire retiendra que le Président Blaise Compaoré est le Président qui su réellement enraciner la démocratie au Burkina Faso et raffermir notre système de gouvernance politique et institutionnelle. A lui de faire son choix.
Moussa Sawadogo
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