Le 31 Octobre, celui qui, depuis 27 ans, présidait aux destinées du Burkina annonçait qu’il déclarait la vacance du pouvoir. Depuis, les Burkinabé vivent dans une certaine euphorie oubliant que dans le fond, rien n’est réglé.
Le ton se voulait à la mesure de la gravité de la situation. Le 31 Octobre sur les antennes Canal 3, une chaine de la place, le président du Faso d’alors, annonçait la vacance du pouvoir. Le peuple qui s’était mobilisé comme un seul homme, vécut cela comme un triomphe au point d’oublier que le départ de Blaise, s’il constitue une indéniable avancée démocratique, pose plus de problèmes qu’il n’en résout. Et ce pour plusieurs raisons.
Dans sa fuite, l’ex- président a choisi la Cote d’Ivoire comme point de chute. Or nul n’ignore que la Cote d’Ivoire a à sa tête un protégé de Blaise Compaoré. Alassane Ouattara ne doit- il pas en partie son accession au pouvoir à Blaise Compaoré ? Imaginons un instant que l’ex-président demande un‟ retour d’ascenseur” à son ‟ami et frère” comme ils le disent eux-mêmes ?
Les milliers de jeunes que le Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire(MPCI), le bras armé du Rassemblement Des Républicains(RDR) avait recrutés pour combattre le honni régime de Gbagbo et qui constituent une bombe à retardement constitueront alors une main d’œuvre utile.
Et puis, de quels scrupules des admirateurs décomplexés de Blaise Compaoré comme Sassou N’guesso, Obiang N’guema où Idriss Déby vont-ils s’embarrasser pour faire échec au ‟printemps burkinabè” et sonner le glas de la soif de d’alternance et de bonne gouvernance dans leur propre pays ? La question a d’autant plus sa raison d’etre qu’une telle coalition s’était formée pour chasser Gbagbo du pouvoir meme si elle se faisait dans le cadre des sommets France-Afrique.
N’oublions pas après tout, que l’extérieur a été pour beaucoup dans l’avènement et l’enracinement du régime Compaoré. Pour ce qui est des moyens, nul n’ignore que pétrole et caporalisation des richesses nationales aidant, c’est le moindre des soucis des apprentis sorciers d’Afrique. L’Histoire ne nous enseigne telle pas les hommes de pouvoirs aiment avoir des semblables pour voisins ou partenaires ?
N’oublions pas que, comme l’ont démontré certaines sources, c’est plus la peur de l’hypothèse d’aller à la Cour Pénale Internationale (CPI) que son amour pour le peuple qui a convaincu l’ex- président de céder. Cependant, on peut se demander ce que peut la CPI contre ce syndicat de chefs d’Etat si prompts à indexer ‟l’impérialisme occidental blanc” lorsqu’un des leurs est dans le viseur de cette juridiction.
Les quelques chefs d’Etats qui qui y sont, ne sont à l’instar de Gbagbo, que des mal aimés de la Françafrique. Or nul doute que Blaise Compaoré est le chouchou de cette nébuleuse dont la fin toujours été annoncée souvent programmée mais qui a une facheuse habileté à se réadapter.
Quant à l’instance panafricaine, son zèle actuel cache mal sa très grande dépendance vis-à-vis des pays pétroliers comme la Guinée Equatoriale et le Congo Brazzaville. Aurait-elle les moyens de sa politique que ses menaces risquent de rester lettre morte d’autant plus qu’en matière de démocratie, elle a beaucoup de chemin à faire. Dans l’esprit de ses textes, le président de la commission ne devrait pas venir d’un « grand pays ».
C’est dire que l’élection de Nkosazana Dlamini Zuma, qui est originaire d’Afrique du Sud, ressemble à un forcing électoral. Quant au président en exercice de l’institution, Mohamed Ould Abdel Aziz, il est lui-même venu au pouvoir par la voix des armes. Ce qui porte atteinte à la crédibilité de l’institution. Que quelqu’un qui n’as pas été toujours démocrate s’évertue à donner des leçons de démocratie, on voudrait bien y voir…
L’autre aspect du problème que le départ de Blaise ne résout pas, est celui de la longue liste des victimes dont le régime est accusé de s’être rendu coupable. Nul ne doute que le peuple burkinabé voudra voir des dossiers comme celui de Thomas Sankara, de Dabo Boukari ou de Norbert Zongo, pour ne citer que ceux- là, aboutir, et que l’ex-président est un témoin clé.
L’éviction de Blaise Compaoré doit être saisie comme une opportunité pour faire une sorte de catharsis du passé en vue de ressouder un peuple profondément divisé. Le président de la transition a, le jour de son investiture, fait une déclaration en ce sens. Mais le peuple burkinabé a appris à attendre mieux que des promesses tenues dans la ferveur d’une cérémonie d’investiture.
Soumana LOURA
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