Hommage à Norbert Zongo : Comment notre confrère continue de vivre parmi nous

Dans le cadre de la commémoration du 16ème anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo, une projection du film Borry Bana qui retrace sa vie de Norbert Zongo  a été projété le soir même à l’espace vide de la mairie de Bogodogo.

A 18h donc nous rejoignons le lieu indiqué pour la soirée d’hommage à Norbert Zongo non sans prendre les précautions nécessaires pour faire face à la fraicheur. Bonnet, écharpe, pull et chaussures fermées s’impose donc. Impossible de se tromper d’endroit, avant même de descendre le goudron qui mène à l’espace vide, on aperçoit un écran géant. Sur cet écran est projetée l’image de Norbert Zongo. Au parking, aménagé à environ 10m de la grande voie du SIAO, l’affluence n’est pas trop grande. Nous soumettons notre inquiétude au parkeur : « – ah ! Parkeur, on dirait qu’il n’y a pas trop de gens hein! »

-« Y a du monde, il faut avancer tu vas voir ! Comme c’est dans un espace vide, beaucoup de gens préfèrent s’assoir sur leurs motos pour suivre les projections. »

En effet, en nous approchant, nous constatons que certaines personnes sont soit sur leurs motos, soit sur leurs vélos. Pourtant des rangés de chaises ont été disposées par les organisateurs pour accueillir les cinéphiles d’un soir. Un coup d’œil au tour de nous et nous constatons que ne sommes pas les seuls à avoir pris des mesures de précautions contre le froid et nous prenons place. A 18h 30 Bakary Ouattara, l’animateur nous souhaite la bienvenue et nous donne le programme de la soirée. Diffusions de clip vidéo sur le journaliste, Slam, reportages sur l’insurrection du 30 octobre, mais surtout la projection du Film Borry Bana, le film qui raconte l’histoire de Norbert Zongo. Chose inédite, le film qui a longtemps été censuré sous le régime Compaoré, sera diffusé sur toute les chaines télévisuelles, à commencer par la télévision Nationale du Burkina. Les clips de Smokey, Sams’k le jah, Ismaël Isaac, Awadi, Alpha Blondy sont tour à tour diffusés.

Les deux premiers reportages portent sur la journée du jeudi 30 octobre, le jour de la prise de l’assemblée nationale par les manifestants. Attentivement le public suit les vidéos. Par moment, on applaudit certains acteurs comme Smokey, Me Hervé Kam, Sams’k du Balai citoyen. Parfois on se moque d’autres. A la vue du retrait des militaires devant l’Assemblée Nationale ou du jeune homme qui traverse la foule des manifestants une moto policière, on acclame, ont applaudi avec des « ouéh !!!Non, tu es bon ! gandaogo! ». Une petite pause musicale avec des slameurs, et c’est repartis pour d’autres vidéos.

Les bourses Norbert Zongo

Le présentateur de la soirée après quelques pauses musicales, informe que des bourses d’études d’une valeur de 200.000frs chacune seront attribués au cours de la soirée à des étudiants. Des étudiants qui sont inscrits en communication et journalisme ou en droit. Selon les organisateurs, cette bourse aurait pour but de permettre à certains étudiants méritants issus de milieu modeste, d’avoir l’opportunité de terminer leurs études. Ces bourses sont prises en charge par la ligue pour la défense de la liberté de la presse et le centre National de Presse Norbert Zongo, qui entendent par-là constituer un pôle de boursier en vue de poursuivre les idéaux de Norbert Zongo. Au total 37 personnes ont postulé et à l’issue, d’une première sélection, 12 dossiers ont été miteusement été examinés par le jury. En l’absence justement de ce jury présidé par le professeur Serge Théophile Balima, la délibération a été faite par Abdoulaye Diallo Ménès, gestionnaire du centre National de Presse Norbert Zongo.

Les trois plus méritants sont Alice W. kientéga (master 1 à l’institut panafricain de l’information et de la communication), Charlemagne Aristide W Ouédraogo (maîtrise en droit) et Bienvenue Igor Yaméogo (licence communication et journalisme). A l’annonce des résultats de la bourse, certains jeunes, sans doute des candidats malheureux ont tout de suite quitté les lieux de la projection sans même suivre la projection du film.

Borry Bana ou le destin fatal de Norbert Zongo

Le film débute sur la lecture d’une lettre de la mère du journaliste. Une lettre où elle supplie son fils de faire attention à lui. « De nombreuses personnes sont encore venues me dire que tu écris encore des choses sur le président. Elles m’ont dit que ta vie est en danger parce que ce président qui est au pouvoir ne se contentera pas de t’emprisonner comme l’autre mais celui-là va te tuer… ». Le film raconte la vie du journaliste, son engagement, la journée du 13 décembre 1998 et les troubles sociaux qui s’en sont suivis. On relate également la lutte menée depuis lors par les mouvements de défense de droits de l’homme pour que lumière soit faite sur le drame de Sapouy : les multiples hypothèses sur les causes du drame, le collège des sages, le procès de du chauffeur de François Compaoré, David Ouédraogo sur lequel enquêtait le journaliste avant de se faire assassiner, la journée nationale du pardon. La douleur et ’incompréhension d’Augustine Zongo, mère de Norbert Zongo sont les dernières images du film avec l’interrogation : A quand la justice pour Norbert Zongo ? Maintenant !!! entendait-on un peu partout dans le public et tonnerre d’applaudissement.

A l’issue de la projection, les réalisateur Gédéon Vink et Abdoulaye Ménès racontent les conditions dans lesquelles le film a été réalisé. Ils nous apprennent qu’aucune opposition au tournage n’a été observée jusqu’à la fin tournage. Par contre le film sera censuré une fois le documentaire réalisé. Par ailleurs, la vidéo de la visite rendue par Abdoulaye Ménès à la mère de Norbert Zongo quelques jours avant ce 16e anniversaire est aussi projeté. On y voit Augustine Nana, la mère sous le poids de l’âge mais très enthousiaste. « Que Dieu continue d’assister tous ceux qui me soutiennent dans ma lutte pour la justice dans l’affaire Norbert Zongo. Je les confie à Dieu. Même s’il arrive que je ne sois plus de ce monde, tôt ou tard, justice sera faite. Dieu a commencé à agir. Même dans 100 ans, Dieu va agir. »

». Ces mots de la mère mettent le public en émoi qui applaudit. Présents à la projection Me Bénéwendé Stanislas Sankara, avocat de la famille Zongo, Sherrif Sy, ami du journaliste ainsi que Me Guy Hervé Kam et le Dr Ra-sablga Seydou Ouédraogo économiste chercheur de l’institut FREE Afrik ont animés le débat qui a suivi le film. Un débat qui a surtout porté sur l’insurrection populaire du 30 octobre, les sanctions contre le régime Compaoré les attentes de la population du conseil national de transition, la réouverture du dossier Norbert Zongo et surtout justice et vérité pour tous les crimes commis par le pouvoir de Blaise Compaoré. Aussi passionnant que soit le débat, toutes les questions n’ont pu être épuisées. Le dernier tour de table fait par les invités main fin à la soirée. Nous jetons un coup d’œil sur notre montre. Il est 22h40mn.

Viviane Y. Bama