Hommage à Norbert Zongo sous le signe de la Vérité et de Justice

En plus du recueillement au cimetière, le collectif des Organisations Démocratiques de Masse et des Partis Politiques ont organisé une marche meeting pour la journée du 13 décembre. Objectif : réclamer vérité et justice pour tous les crimes de sang du régime Compaoré, mais surtout la réouverture du Dossier Norbert Zongo. Un meeting qui a plutôt pris des allures de campagne politique avec l’arrivée sur place du premier ministre Yacouba Isaac Zida.

« Hétibé tibé hé! Hétibé tibé hé! …» A la place de la révolution, l’ambiance se veut plus festive et en opposition à celle qui prévalait au cimetière de Gounghin. Les Mouvements estudiantins se font vite remarquer par leurs slogans Et les différents leaders de ses mouvements se relaient au parloir. Micro en main, ils haranguent la foule avec des slogans clairs à l’endroit du régime de Blaise Compaoré : « Blaise assassin ! » ; « Alizèta Gando, Gilbert, Assimi Koanda, en prison ! » ; « Les voleurs de la république en prison ! » ; « Les commanditaires et auteurs de crimes, en prison ! » ; « Vérité et justice, vérité et justice Camarades ! »

Des artistes chantent et dénoncent l’assassinat de Norbert Zongo, accusent le régime et réclament que lumière soit faite sur le drame de Sapouy et que justice soit rendue à tous ceux qui sont tombés sous les balles assassines du régime Compaoré. Les marcheurs se positionnent le long de la voie, les consignes de sécurités sont données et la marche peut enfin commencer. C’est la première fois depuis les commémorations annuelles qu’une marche meeting est organisée. Itinéraire, le rond-point des cinéastes-Etat-major général des armées- avenue de la justice-avenue de la cathédrale et retour à la place de la révolution. « Ça me rappelle les marches de l’opposition », entend-on près de nous. Les leaders du collectif des organisations démocratiques de masse et des partis politiques sont à la tête. Les rangs des marcheurs sont grossis au fur et à mesure qu’on avance. Dans la foules on siffle, on scande : vérité et justice pour Norbert Zongo, Lumière sur l’assassinat de Norbert Zongo et ses compagnons, etc. après une bonne heure de marche, les marcheurs rejoignent la place de la révolution. Là nous apprenons que le premier ministre Yacouba Zida était venu après le départ pour la marche. Effectivement il y revient en compagnie de quelques ministres. A sa vue certains manifestants se mettent à le huer. La chorale du collectif entonne crime à Sapouy, une chanson écrite une semaine après le drame pour rendre hommage à Norbert Zongo.

A certaines paroles on réagit : y a bamba (en mooré c’est eux), Blaise Compaoré, RSP c’est l’approbation totale, dans la foule on n’arrive plus à contenir sa colère. On applaudi à tout rompre on lance « c’est eux les assassins, RSP ! ». Le premier ministre (lui-même membre du RSP), assis sous la tente écoute, acquiesce par moment de la tête. Après la prestation de la chorale, Victor Zongo un représentant de la famille Zongo est invité à s’exprimer. Dans son discours il remercie tous ce qui luttent pour que justice soit rendue à Norbert Zongo et à tous les martyrs. Il rappelle les circonstances dans lesquels leur frère a été assassiné. Il réaffirme l’engagement de tous à ce que justice soit rendue mais le sentiment reste le même à ce 16e anniversaire : l’espoir de voir la justice rendue à Norbert. A la fin de son discours, il est rejoint par la femme de Norbert ZONGO pour se présenter. Elle est ovationnée. Dans la foule on attend, « un mot un mot, un mot » mais en vain elle ne s’exprimera pas. Un journaliste près de nous affirme : « ce n’est pas facile, elle ne pourra pas contenir ses larmes »

Tirs groupés sur le RSP

Laurent Ouédraogo est demandé pour résumer le message du collectif en mooré. Sans crainte ni peur, il décoche des flèches sur le gouvernement de transition, sur le régiment de sécurité présidentiel. Blaise est parti mais la lutte n’est pas finie.

S’en suit Chrysogone Zougmoré président du CODMPP. Il demande une minute de silence en la mémoire de toutes les victimes de crime de sang. Tout comme ses prédécesseurs il rappelle le contexte politique du pays. L’engagement de Norbert Zongo et le drame de Sapouy «Norbert Zongo enquêtait alors sur l’affaire David Ouédraogo chauffeur de François Compaoré, mort des suites de tortures que lui infligèrent des militaires du RSP, le même RSP d’aujourd’hui » il prononce ces paroles en jetant un coup et en pointant du doigt le premier ministre Yacouba Isaac Zida lui-même membre du RSP. La réaction de la foule surexcitée ne se fait pas attendre, on crie à tout rompre, on applaudit, le premier ministre lui se contente de sourire et d’hocher la tête en signe d’approbation. Chrysogone Zougmoré poursuit son discours : « le président de la transition a parlé, le premier ministre a parlé. C’est bien. Mais pouvons-nous nous contenter de paroles camarades? Non. Pouvons-nous nous contenter de déclarations ? Non ». Justice pour tous les crimes et impunités sous l’ère Compaoré, les revendications de la plateforme ont constitué l’essentiel du reste de son discours.

Alors qu’on croyait les discours finis, les manifestants crient « Zida ! Zida ! zida ! Qu’il s’exprime, on veut l’entendre! ». Près du podium, un jeune homme visiblement d’un jeune âge, l’air amusé lance : «  il ne va pas parler. Il est juste venu pour regarder ! ». Une dame tenant de la main droite un bout de la banderole de la marche, comme si le jeune s’adressait à elle réagit violemment : « il est venu regarder ouah ? Nous ne sommes pas des dessins animés pour qu’il vienne nous regarder. S’il ne va pas s’exprimer qu’il s’en aille ! ». À cet instant comme si le premier ministre écoutait la petite conversation, il rejoint la tribune. D’un œil averti il jette un œil sur la foule, reste silencieux pendant quelques instants. Le temps de se rendre compte que tout le monde n’apprécie pas sa présence. Certains en signe de désaccord sifflent, d’autres le huent. Enfin Zida prend la parole!

Promesses et promesses

«Bonjour camarades!». Une phrase qu’il accompagne du point levé. Signe de son attachement à la révolution. Est-ce pour la circonstance ou pour berner les manifestants ?

Un journaliste l’air étonné nous pose la question, « depuis quand un militaire et un civil sont des camarades ? » « Depuis que Blaise est parti » lui répondons-t-on.

« Le souverain peuple a demandé à ce que je parle, alors je ne vais pas me dérober ! ».A cette phrase, il regagne la confiance de certains manifestants qui manifestent leur joie par des cris. L’objet de sa présence est vite connu, il est venu entendre ce que le peuple veut. La foule est en liesse, qui est d’avis et qui ne l’ai pas ? Difficile de le savoir. Signalant qu’il n’était pas venu seul, le premier ministre appelle les autres ministres présents à le joindre sur le podium. Le premier à le rejoindre est la ministre de la justice. Comme s’ils avaient prévu des réponses à chacun d’entre eux, on crie de toutes ses forces, « héyiiii ! Justice ! Norbert Zongo ! Justice ! Justice ! Vérité et justice ! Vérité et justice ».

S’en suit le ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation. Là encore, « nos parcelles, nos parcelles » celui de la communication « Liberté de la presse, liberté d’expression ! » et enfin le ministre des sports et loisirs « héyiiii !!!». Sera également appelé à rejoindre le podium, le président du conseil national de la transition, le directeur de publication de l’hebdomadaire Bendré, Shérif SY. Chemise déboutonné, il arbore fièrement un tee-shirt de Norbert Zongo. Le premier ministre se veut convaincant. Il affirme que c’est en sachant qu’il recevrait le rapport, la plateforme des revendications du collectif qu’ils se sont déplacés. On veut entendre ce que le peuple veut. La réponse des manifestants est on ne peut plus claire : justice !

Et comme réponse le premier ministre affirme : justice sera rendue aux parents de Norbert de Zongo et à tous ceux qui sont tombés sous les balles assassines de Blaise Compaoré. Cela ne suffit pas à calmer les manifestants qui visiblement attend plus de l’homme. La question du régiment de sécurité présidentielle est soulevée. Le premier ministre se veut rassurant, affirmant que sa position par à rapport à ce corps de l’armée est déjà connue. Mais les manifestants insistent « faut bisser!! » « La répétition est pédagogie!». C’est ainsi qu’il affirme que le RSP n’assurera plus la sécurité du président mais sera rattaché à l’armée de terre pour l’accomplissement d’autres missions. Poursuivant, il avance que la volonté du peuple après la justice est de voir des efforts fais dans le domaine de la santé. C’est en ce moment qu’il offre le scoop aux journalistes présents : plus d’un milliard de francs CFA ont été il y a de cela une semaine offert au ministre de la santé pour une rénovation de l’hôpital Soro Sanou de Bobo-Dioulasso. Satisfaction générale dans la foule et le colonel Zida continue sur la lancée de la nationalisation de certaines sociétés détenues par l’ancien régime.

Instruction a été donnée au ministère de l’administration territoriale pour la nomination d’un nouveau directeur général de la SOCOGIB qui avait été vendu à un franc symbolique à la belle-mère nationale, Alizeta Ouédraogo. Par ailleurs, il annonce que le camp fonctionnaire offert à une personne dont il taira le nom sera transformé en parking municipal. Réponse du berger à la bergère Zida répond qu’en disant que toutes les informations seraient désormais prises à la place de la révolution était une façon de dire que les décisions seront prises avec le peuple et pour le peuple « si vous vous êtes à la maison, je ne vais quand même pas venir m’assoir ici pour travailler comme un fou! ». Définitivement, Zida a tout l’air d’avoir conquis le public, tout le monde applaudit. On le félicite. Mais au milieu de toutes ces personnes, le président du collectif des organisations démocratiques de masse et des partis politiques, reste imperturbable.

Reprenant la parole après le premier ministre, Chrysogone Zougmoré attire l’attention des manifestants à rester vigilants. Le peuple attend des actes concrets. La chorale du collectif est une fois de plus invitée sur le podium. Pendant qu’ils retiennent les manifestants sur crime à Sapouy qu’elle entonne à nouveau. Du coté des journalistes, c’est la course poursuite aux interviews. On veut surtout enregistrer le premier ministre mais dommage, il ne se prêtera pas aux questions des confrères de Norbert Zongo. C’est le ministre de la communication qui se prêtera à cet exercice. Petit à petit la place de la révolution se vide de ses manifestants. Nous décidons à notre tour également de rentrer chez nous. Le spectacle est fini ! Mais sur le chemin de retour, une petite escale au Centre National de Presse Norbert Zongo nous contredit, le spectacle n’est pas fini ! Ce soir aura lieu à l’espace vide de la mairie de Bogodogo, une projection du film Borry Bana sur la vie de Norbert Zongo.

Viviane Y. Bama