Liberté d’expression : le double jeu de la France

Pour avoir fait une publication sur sa page Facebook, Dieudonné M’bala Mbala fait l’objet d’une poursuite judiciaire. C’est suite aux attentats terroristes qui ont visé la rédaction de « Charlie Hebdo » et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes. La justice française l’accuse de défendre le terrorisme et de tenir des propos contre les juifs. Dieudonné est poursuivi à cause de ses opinions dans un contexte où la France tout entière se mobilise pour défendre les libertés d’expression et d’opinion, qui sont d’ailleurs garanties par la loi du pays. Paradoxe !

En France, on ne peut pas tout dire ou du moins tout le monde ne peut pas exprimer librement ses opinions. Dieudonné M’bala M’bala l’artiste humoriste est dans le viseur de la justice française pour apologie du terrorisme et  de l’antisémitisme. Il est poursuivi pour ses propos tenus sur Facebook après la marche républicaine en soutien de Charlie Hebdo. Il a écrit : « Sachez que ce soir, en ce qui me concerne, je me sens Charlie Coulibaly », détournant le slogan « Je suis Charlie », en y associant le nom du djihadiste Amédy Coulibaly, auteur de la prise d’otage au cours de laquelle quatre juifs ont été tués à Paris. Il n’en fallait pas plus pour être accusé de tous les pêchers d’Israël,  dans une république, qui pourtant a ratifié les principaux instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’Homme, qui consacrent la liberté d’opinion et d’expression.

L’article 19 du pacte international des Nations Unies stipule que la liberté d’expression comprend: « la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce sans considération de frontière». Au nom de ce pacte international, la condamnation de Dieudonné pose problème  puisque la France en est signataire. Rappelons que depuis 1789  la France a sacralisé les libertés d’expression à travers sa Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Et les articles 10 et 11 de cette déclaration disent que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. » (Article 10). « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » (Article 11). Il est vrai que ces deux derniers articles encadrent la liberté d’expression, donc  les arguments « de trouble à l’ordre publique » et « d’abus de liberté » peuvent être brandis pour écrouer l’artiste humoriste. Et si tel en est le cas, que doit-on dire de Charlie Hebdo dont les caricatures sur le prophète Mahomet de 2012 et de 2015 troublent « l’ordre international » ? La caricature de Mahomet par Charlie Hebdo en 2012 était intervenue suite à la sortie aux USA du film, « l’innocence des musulmans ». Ce film a provoqué des violences en Afrique, au Moyen Orient et en Europe.

L’Etat français  avec ses lois bien encadrées n’a pas pris en son temps, des mesures préventives pour empêcher le journal de jeter de l’huile sur le feu. Si Charlie a le droit de dessiner et de publier, pourquoi pas Dieudonné qui est un humoriste et qui fait la joie de milliers de spectateurs ?

C’est donc avec juste raison que ce dernier dit que «Les humoristes jouent avec les interdits et les tabous, ils ont leur place, comme la couverture de Charlie sur le Prophète a sa place […] Le rire, c’est aussi de s’émanciper de la pensée unique… ».

Valentin MANO

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