Situation nationale : Un dernier hommage aux martyrs de l’insurrection populaire

Aoueri Ouébidua, Gaston Kambiré, Fabrice Ouoba, Issa Sama, Inoussa Béré et Abdoul Moubarak Belème conduits à leurs dernières demeures. Eux, ce sont les martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 décembre 2014. C’est une foule de grand jour qui a pris d’assaut la place de la Révolution, la nationale N° 1 et le cimetière de Goughin, ce mardi 2 décembre 2014 pour rendre un dernier hommage aux martyrs de la nation.

«  Les morts ne sont pas morts, Ceux qui sont morts ne sont jamais partis. Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire. Et dans l’ombre qui s’épaissit, Les morts ne sont pas sous la terre Ils sont dans l’arbre qui frémit, Ils sont dans le bois qui gémit, Ils sont dans l’eau qui coule, Ils sont dans l’eau qui dort, Ils sont dans la case, ils sont dans la foule… » Ce poème de Birago Diop a été cité plusieurs fois au cours de cette cérémonie plus d’un de tout ceux qui ont pris part à cette cérémonie étaient convaincus de cette maxime.

08h30 : Place de la nation rebaptisée depuis le 28 octobre place de la révolution. Le regard vide, les yeux plus rouges la foule portait des T-shirts de leur mouvement (balai citoyen, CAR, mouvement brassard noir, etc.). D’autres habillés tout simplement de leurs tenues d’école attendent dans un silence lourd l’arrivée du porte char transportant les dépouilles des six martyres.

9h05 mn : Arrivée du Premier Ministre Yacouba Issac Zida, fortement acclamé par la foule. Des « Zida Zida Zida » se laissent entendre. Quelques minutes plus tard, c’est le Président du Faso, Michel Kafando qui fait son entrée. Il a droit aux mêmes acclamations que son premier ministre. La foule commence à s’impatienter « y a quel problème depuis ils n’arrivent pas? » «  Et si on allait à leur rencontre ?» se demande un octogénaire assis à même le sol sachet d’eau à la main. Un des organisateurs, rassure le public en ces termes «  le cortège mettra plus de temps en raison de la foule importante sortie pour l’accompagner ».  

En attendant l’arrivée du porte char, on assiste a l’éternelle dispute entre journalistes et organisateurs « allez derrière, vous barrez le passage » « vous ne pouvez pas rester ici », lance un agent des forces de l’ordre à un groupe de journalistes.

Le cortège fait enfin son parution. La foule se déchaine sur les barrières. Chacun veut voir. D’autres se précipitent sur les murs, véhicules et toute autre chose permettant d’être en hauteur pour avoir une meilleure vue. On procède ensuite à l’alignement des six cercueils couverts chacun du drapeau burkinabé au centre de la place. La cérémonie peut commencer. Les téléphones et autres appareils en mains chacun essaie à sa manière d’immortaliser l’évènement. Le maitre de cérémonie, Hervé Yé, décline l’identité des six martyrs. Un silence de mort s’installe que des cris des femmes : «c’est mon mari », ou « mon fils » et des sanglots brisent en raisonnant lourdement dans les oreilles.

Cinq minutes de silence ont été demandées pour la mémoire des héros. Un silence de cathédrale se dresse. Tout le monde est tétanisé, personne ne tousse, ne parle et même ne bouge. Ces 5 minutes paraissent une éternité. Trois aumôniers militaires, un musulman, un catholique et un protestant donnent la prière œcuménique.

Tour à tour, ils ont prié pour le repos des âmes des martyrs et ont appelé l’assemblée au pardon, à la réconciliation nationale. Le Président du Faso Michel Kafando, le Premier Ministre, Yacouba Issac Zida et le président du conseil national de transition, Sheriff Sy se sont inclinés devant les dépouilles. Place ensuite au départ pour le cimetière municipal de Goughin.

Le cortège vers le cimetière

11H 04 : Le cortège quitte la place de la Révolution pour le cimetière. A pied, à moto, dans et sur les véhicules, la route nationale numéro 1 est envahie. La plupart des boutiques, et commerces situés sur l’itinéraire sont fermés. Pour ceux qui sont restés ouverts, les travailleurs sont à l’extérieur et se tiennent debout, comme pour saluer la mémoire de leurs compatriotes morts pour la liberté et la démocratie.

Au cimetière, une foule immense attendait déjà. Le porte char se fraie difficilement un passage. En première loge, le Premier Ministre et certains membres du gouvernement, des leaders politiques, religieux et des artistes. A l’intérieur du cimetière, les six tombes attendent. Le ministre de la communication porte parole du gouvernement, Aimé Nikièma, la gorge nouée, livre un message funèbre assez émouvant provoquant des larmes dans la foule.

Ce fut enfin le tour des militaires de rendre des honneurs aux martyrs. Leurs cris font sursauter certains qui étaient très loin dans l’esprit. Vient enfin la mise en terre des six martyrs. Les cris, les larmes, les pleurs des membres des familles éplorées incontrôlables. D’autres ne pouvant pas supporter quittent les lieux. Tout en souhaitant que la terre du Burkina, que les martyrs ont libérée, leur soit légère.

Sur les 7 corps initialement prévus, 6 ont été enterrés ce mardi 2 décembre 2014. Le septième qui n’était pas encore identifié, a été enterré vendredi 5 décembre 2014. Il s’appelait Issaka Derra.

J. BENJAMINE KABORE